Le partage de mandats exclusifs, l’avenir des acteurs de l’immobilier

 

Le modèle américain, entre exclusivité et partage, un exemple à suivre.

 

Les États-Unis, terre d’origine des plus grandes enseignes immobilières internationales, nous inspire par ses pratiques et le modèle de relation qu’elle a su instaurer entre professionnels de l’immobilier. Le partage de mandats exclusifs n’y est plus une question, là où en France, il s’impose plus difficilement.

L’évolution du marché laisse pourtant à penser que le contexte actuel présente une opportunité de transformation porteuse de solutions pérennes voire nécessaires pour la survie de toute la profession.

Stephane Meyer, un français, professionnel de l’immobilier, qui exerce depuis plus de 20 ans en Floride et qui connaît bien le marché français apporte son point de vue et son éclairage pour rassurer les acteurs de l’immobilier français et lever les derniers freins et les idées reçues.

Aux États-Unis, et bien avant que les fichiers soient digitalisés, les acteurs de l’immobilier recevaient chaque mois un fichier « papier » et ont complètement intégré le partage comme une vertu de leur profession. La crise sanitaire de 2020 les a impactés comme partout dans le monde et modifié les attentes des clients. « 2021 se porte très bien ». C’est ainsi qu’il introduit son propos. Le marché américain pensait avoir atteint un plateau de transactions en 2020. En effet, depuis 2011, date à laquelle le pays avait connu une des plus grandes récessions de son histoire, le nombre de transactions a connu une forte progression qui est restée constante pendant toute la dernière décennie. En 2020, « personne ne pouvait anticiper les conséquences de celle-ci et prévoir ce qui allait arriver ». Aux États-Unis, comme dans le reste du monde, beaucoup de personnes sont restées bloquées chez elles. Dans les grandes villes, elles ont continué à travailler de leur domicile. A l’échelle de la planète, ces nouvelles conditions de travail ont eu pour conséquence des prises de conscience. Ainsi ceux qui ne pouvaient, pour diverses contraintes, remettre en cause leur vie et leur profession, ont réalisé qu’ils se sentaient tristes d’exercer un métier qu’ils n’aimaient pas ou dans des conditions qui ne leur convenaient pas. Cette situation subie a permis à beaucoup de réfléchir sur leur mode de vie.

« L’immobilier, c’est la vie, c’est là où la personne, la famille habite » insiste-t-il et la situation exceptionnelle n’a fait que confirmer sa vision et le regard qu’il porte sur sa mission en tant que professionnel de l’immobilier. La crise a permis à chacun de réfléchir. Et cette réflexion a eu un impact sur l’immobilier. « On fait un métier qui est extraordinaire, parce qu’en fin de compte, si on le comprend, et on comprend les clients, les raisons pour lesquelles ils se déplacent d’un endroit à un autre, on a entre nos mains la responsabilité de la vie de ces personnes, de là où ils vont aller. Le partage de fichier nous met en relation directe avec cette responsabilité. » Un mouvement s’est opéré, de la ville vers la campagne, favorisé par le développement du télétravail, accentué au sein des états du nord du pays a profit des états du Sud. « Nous avons alors connu un problème d’inventaire » pendant cette période et « la base de données partagée s’est révélée être une mine d’or ».

Pour lever les freins liés au partage, il est essentiel de bien comprendre pourquoi partager : « Il est impératif pour les acteurs de l’immobilier de comprendre que leur métier, c’est avant tout d’aider les personnes, c’est un métier de services. Lorsqu’on prend un mandat, et on essaye de le cacher dans un tiroir pour recevoir la commission intégrale, on n’est pas en train de représenter le vendeur, mais d’insulter cette famille. »

Il est vrai qu’aux États-Unis, les outils existent depuis des décennies. La conséquence directe du partage est le développement des mandants exclusifs : « Aux États-Unis, on est à 100% en exclusivité grâce à cet outil. » « A partir du moment où les personnes travaillent en toute honnêteté et comprennent que leur rôle c’est de représenter au mieux l’acquéreur ou le vendeur, et donc de ne pas cacher les biens, la base de données est respectée, les informations sont mises à l’intérieur de cette base de données, en toute honnêteté et en toute clarté, et donc l’échange peut se faire et donc on accélère la possibilité à ces familles de vendre le bien et d’aller vers cette nouvelle vie, on est en train de les accompagner au plus haut niveau de service qu’on peut donner. »

Il insiste sur une dimension plus globale en matière de responsabilité collective : « La réalité, c’est est-ce que l’on a la responsabilité de représenter le pilier immobilier qui est un pilier économique de tous les pays (…) Comprendre l’importance du partage qui accélère le business pour tout le monde, au niveau de la représentation des clients et au niveau économique aide les pays à redémarrer le pilier immobilier et le mettre en pleine forme. »

Et une responsabilité individuelle « on a entre nos mains la vie d’une famille entière, du prochain emploi que cette personne va avoir, qu’elle puisse arriver sur le nouveau lieu de vie en temps et en heure. » Cette responsabilité individuelle et collective implique un changement d’état d’esprit : « On ne peut pas se présenter seulement dans la volonté de se faire la commission à 100%. »

Alors pourquoi la France adhère plus lentement partage de mandats devenu la norme dans d’autres pays comme les États-Unis depuis de nombreuses années, pays au sein duquel l’exclusivité de mandats est devenue la règle ?

Deux facteurs propres à la France peuvent permettre d’expliquer ces freins. C’est l’un des rares métiers au sein duquel le professionnel de l’immobilier ne touche pas de rémunération fixe. Deuxièmement, le fichier partagé est né avec le développement de la technologie. La frilosité par rapport à la technologie n’est pas propre à la profession, la France ayant été l’un des derniers pays à acheter en ligne.

Pourtant, le partage de fichiers a prouvé qu’il génère automatiquement une augmentation du nombre de mandats exclusifs, nerfs de la guerre de la profession qui chaque jour doit se différencier et apporter une valeur ajoutée et des services à ses clients vendeurs comme acquéreurs.

Pour paraphraser un américain célèbre, Benjamin Franklin : « Dans la vie, il y a deux portes, celle de la sécurité et celle de la liberté. Si nous prenons la première, nous perdons les deux. » Adaptée aux professionnels de l’immobilier, sans le partage de fichiers, le mandat exclusif perd de sa valeur.